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Brève histoire de la chasse à Humanislayadz

03- Le discours du Roquet : Roquet-man

28 Août 2018 , Rédigé par Scapildalou

Devant la section au garde-à-vous, le roquet, hors de lui, aboyait :

« Cette fois c'en est trop bande de lavette ! Où vous croyez vous ? C'est l'Ordre ici, pas une coure de récréation ! Qui ? Qui m'a écrit cette saloperie sur les murs ? qui me fait ce coup de traître ? Quelle est l'ordure infâme qui salit mes murs avec son... sa... »

Mince, les mots ne lui venaient plus, il étouffait de rage :

« ...connerie ! Avec sa Connerie ! » finit-il par lâcher, excédé. C'était grossier, mais c'était le terme juste. De toute façon il n'en était pas à une grossièreté prêt, et on ne le payait ni à la syllabe, ni pour le raffinement de son champ lexical.

« Vous avez des choses à dire ? Qui veut parler ? Allez ! Parlez si vous êtes de vrais animaux ! Dites-moi en face ! J'attends ! Alors ? Ah ça, lorsque je ne suis pas là, ça bave ! Mais lorsque vous êtes en face de moi, ça fait moins le fier, hein ! Quel est le rejeton de portée qui écrit ça ? Allez ! Si vous ne me balancez pas cette fiente, je vais vous en faire bavez si c'est ce que vous voulez, et cette fois, pas d'infirmerie ! (Le chevreuil se serait encore plus raidi, comme l'avaient fait tous ses compagnon de section, si jamais son lumbago ne le faisait pas déjà se tenir au plus droit)

Alors ? Qui est-ce qui a écrit cette horreur sur mes murs ? C'est toi ? »

Le roquet prit un soldat au hasard, un ragondin, et lui mit son poing dans le ventre. « C'est toi le margoulin qui a bafoué mes murs ? » le ragondin s'effondrait au sol, le souffle coupé.

« C'est toi ? » fit-il à un bouquetin qui, instinctivement, se prépara à recevoir le même uppercut dans le plexus. C'était mal vu, il reçut un crochet du droit dans le museau.

« Alors ? Personne ? Ah ça, pour parler, il faut que je soi hors de votre vue ? Et bien, on va vous mettre en situation de parler alors. Demi-tour tous ! Au sol. Vous m'en faites vingt ! Et en chantant ! Sauf toi Dacier, tu me démontes ton fusil et tu me le remonte pendant que les autres s'activent, histoire de voire si tu es capable de flinguer autre chose que ton dos ! »

Toute la section se mit en position de faire des pompes et, dans un même élan [je précise au lecteur/trice qu'il ne s'agit pas de l'animal, mais bien du mouvement], commença l'exercice en chantant l'hymne de l'Ordre, cadencé par le nombre de pompes :

 

J'entends le loup le renard et la belette – trois

J'entends le loup et le renard chanter – six

J'entends le loup le renard et la belette – neuf

J'entends le loup et le renard chanter ! – Douze

 

Cette fois c'en était trop, vraiment ; d'autant plus que Coque n'avait pas saisi tout de suite ce que signifiait ce « va, rôt moche ! » inscrit à la même place que l'ancien graffiti désormais effacé. Dans le doute, il l'avait rapporté au commandant ; lui avait de suite saisi de quoi il en retournait. Le commandant avait eu raison, c'était bien un défit qui était lancé, et il fallait le relever. C'était difficile pour le roquet Coque, car autant il pouvait atteindre facilement le physique, autant ce qu'il y avait dans la tête, était parfois plus difficile à toucher. La plupart des stagiaires cédaient à la pression, en général les autres étaient des bons. Mais cette fois il y en a un qui ne cédait pas, et continuait à mettre des coups. Un ? Non, pas un. C'était impossible, Coque le savait, les graffiti avait été inscrits les deux fois où la garde du baraquement avait été confiée à un stagiaire hors de sa présence. Les deux fois, le garde était différent ; il était dur de croire la fourberie issue de l'acte isolé d'un seul de ces animaux, d'autres savaient obligatoirement qui étaient à l'instigation de ce qu'il fallait bien appeler une rébellion. D'autres ? Peut-être tous. Et ça, Coque n'avait pas eu besoin de son commandant pour le savoir.

« Alors mes louloutes ! On se sent mieux ? » fit-il quand la section eut fini ses vingt pompes. « Si vous en avez marre, c'est simple, vous me dite quels sont les lascars qui sont derrière ça, et vous arrêterez de morfler. Parce que vous allez morfler ! Une boucherie à côté ce sera paradisiaque ! Je sais que vous savez tous qui a tagué mon mur. Je sais qu'au moins plusieurs savent qui est ce malin, alors maintenant, je vais vous dire : Ok, vous avez fait preuve de solidarité, personne ne balance personne. C'est bien, c'est courageux, c'est le minimum, bravo ! Mais cette fois, bande de nuls, cette fois l'affaire va m'échapper si vous ne me balancez pas les intellectuels qui se croient tout permis dans cette section. Ça a déjà remonté la chaîne hiérarchique, le commandant a déjà fait remonter l'info ; et en haut lieu, ça va pas passer ! Si vous ne dites rien, aucun de vous ne va s'en tirer. Alors : toujours rien ? Bon ! Vous m'en faites vingt autres. Dacier, grouille toi, on dirait que tu retournes le poireau de ton grand père quand tu me nettoie ton flingue ; essaie d'avoir l'air digne cinq minutes, ça va te changer. Et t'es pas privé de chanter ! Et je te préviens Dacier, si j'apprends que c'est toi le traître, lumbago ou pas, je vais te crever ta sale face de gibier t'as compris ? »

Le chevreuil était à deux sabots de fondre en larmes, avec sa pétoire dans les mains. Le chien reprit :

« J’espère que c'est pas toi l'écrivaillon de mes deux, parce que sinon, je te jure que les autres vont morfler pour toi, mais ça t'empêchera pas de morfler pour les autres ensuite, t'inquiètes pas mon pote. Ah ! Si au moins vous m'aviez insulté moi ! Même pas ! C'est l'Ordre en entier que vous insultez les gars, l'Ordre ! et pas votre grand-mère ! Je suis pas un imbécile, c'est la même écriture, mais c'est impossible que vous ne soyez pas plusieurs à être au courant. Alors ! Qui c'est les pamphlétaires qui confondent ma section avec une maison d'édition ! Les prochaines traces que vous allez me laisser, ce sera vos tripes sur le sol, au nom des grenouilles, vos tripes vous entendez ! Là où je vais vous faire aller, vous n'en reviendrez pas tous ! Moi je m'en moque royalement, vous allez m'enlever du travail, parce que c'est le commandant lui-même qui va prendre en main l'exécution des exercices, et vous allez voire qu'à côté, je suis du velours. Ah ! Vous voulez jouer aux intellectuels ? Vous voulez jouer au plus fin ? Et bien je suis preneur : on va jouer ! Vous savez pourquoi vous êtes quinze dans cette section ? Non ? Vous êtes quinze parce qu'il faut remplacer une cinquantaine de morts, de blessés, d'invalides, et de malades qui se sont tous fait mettre patraque à humanislayadz. Vous croyez qu'aller chercher des humains c'est une balade, et qu'on a le temps de réfléchir en se grattant la pomme ? Raté ! Vous avez faux, entièrement faux ! Et vous allez devoir combler des vides les gars, ça va pas être de la croquette ! On va voire si vous allez blaguer là-bas, et si vous allez philosopher lorsqu'une horde d'humains s'abattra sur vous. Alors là, à ce moment, vous regretterez votre sergent instructeur Coque ! »

La section avait fini de faire ses vingt nouvelles pompes ; tous étaient essoufflés, la plupart avaient une lueur dans le regard, Coque savait que c'était de la peur. Or étant donné la méthode de lâche utilisée par le traître, ce n'était même pas dit que l'insubordination n'ait pas été commise par un de ceux-là même qui paraissait des plus terrorisés. Peut-être même était-ce le plus effrayé, le fauteur de trouble.

« Et surtout ce que vous allez regrettez, continua le roquet, c'est d'avoir passé votre énergie à faire autre chose que de vous concentrer sur la façon de mener le combat. »

*

Moralité, ceux qui ne savent rien ne trouvent rien de mieux à faire que de culpabiliser tout le monde ; et ça marche souvent dans les deux sens, comme l'aurait dit la chauve-sourie...

 

 

 

 

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